Gouvernance de l’Intelligence Artificielle (IA): Aspects organisationnels de l’implantation de l’IA

Gouvernance de l’Intelligence Artificielle (IA): Aspects organisationnels de l’implantation de l’IA

Dans le précédent article, nous cherchions à comprendre les obstacles organisationnels et culturels auxquels font face les initiatives d’IA et à identifier comment réduire ces freins.

Le présent article (2e d’une série de trois), cherche à expliquer comment les équipes doivent s’organiser pour renforcer les bénéfices de l’intelligence artificielle dans l’entreprise,

  1. S’organiser pour évoluer

À l’heure actuelle, il y a débat sur l’emplacement de la responsabilité et des capacités de l’Intelligence artificielle (IA) et d’analyse au sein des organisations. Souvent, les dirigeants se demandent simplement : quel modèle organisationnel fonctionne le mieux pour un déploiement réussi de L’IA? Après avoir pris connaissance de ce qui a réussi dans d’autres organisations, ils effectuent l’une des 3 actions suivantes :

  • consolider la majorité des capacités d’intelligence artificielle et d’analyse au sein d’un « hub» central;
  • les décentraliser et les intégrer principalement dans les unités opérationnelles; ou,
  • les répartir entre les deux à l’aide d’un modèle hybride.

Nous avons constaté qu’aucun de ces modèles n’est meilleur l’autre pour faire évoluer l’IA ; le bon choix dépend du contexte de l’entreprise.

  1. Les organisations ayant de bonnes pratiques d’évolution IA ont consacré la moitié de leurs budgets d’analyse à l’adoption.

Prenons deux grandes institutions financières. L’une d’elles a regroupé ses équipes d’Intelligence Artificielle et d’analyse dans un hub central, avec tout le personnel d’analyse relevant du responsable des données et déployé dans les unités de travail selon les besoins.

La seconde a décentralisé la quasi-totalité de ses talents en matière d’analyse, en faisant résider des équipes et en relevant des unités opérationnelles. Les deux entreprises ont développé l’IA sur une échelle au sommet de leur industrie.  Une des organisations est passée de 30 à 200 initiatives rentables en matière d’IA en seulement deux ans. Ils ont tous deux choisi leur modèle en tenant compte de la structure, des capacités, de la stratégie et des caractéristiques uniques de leur organisation.

  1. Le hub central.

Certaines responsabilités spécifiques sont toujours mieux gérées par un hub et dirigées par le responsable d’analyse ou de la gestion des données. Il s’agit notamment des responsabilités reliées à :

  • la gouvernance des données,
  • la stratégie de recrutement et de formation en matière d’intelligence artificielle, et
  • la collaboration avec des fournisseurs de services et de logiciels d’analyse de données et d’intelligence artificielle.

Les hubs devraient soutenir les compétences d’IA, créer des communautés où les experts en IA peuvent partager les meilleures pratiques et mettre en place des processus de développement de l’IA dans l’ensemble de l’organisation. La recherche montre que les organisations qui ont appliqué l’IA à grande échelle ont trois fois plus de chances que les autres d’avoir un hub  et 2.5 fois plus de chances d’avoir une méthodologie claire pour créer des modèles, interpréter les idées et déployer de nouvelles capacités d’IA.

Les hubs devraient également être responsables des systèmes et des normes liés à l’IA. Ceux-ci devraient être motivés par les besoins des initiatives des organisations, ce qui signifie qu’ils devraient être développés progressivement, plutôt que d’être mis en place d’un seul coup, avant que les analyses de rentabilisation soient déterminées. Nous avons vu plusieurs organisations gaspiller beaucoup de temps et d’argent — dépenser des centaines de milliers de dollars — dès le départ pour des projets de nettoyage et d’intégration des données à l’échelle de l’organisation, pour abandonner ces efforts à mi-chemin, ne réalisant que peu d’avantages ou rien du tout.

  1. Décentraliser (« spoke »).

D’autres responsabilités devraient presque toujours appartenir aux unités d’affaires parce qu’elles sont les plus proches de ceux qui utiliseront les systèmes d’IA. Parmi celles-ci figurent des tâches liées à :

  • l’adoption, y compris la formation des utilisateurs finaux,
  • la restructuration des flux de travail,
  • la mobilisation sur l’IA et les programmes incitatifs,
  • le suivi de la performance, des résultats et des impacts.

Pour encourager les clients à adopter les services axés sur l’intelligence artificielle offerts avec son équipement intelligent et connecté, l’organisation des ventes et des services d’un fabricant a créé une équipe d’intervention « SWAT » qui a aidé les clients à utiliser le produit et a élaboré un plan de tarification pour en favoriser l’adoption. Un tel travail relève clairement de la ligne d’affaires et ne peut pas être délégué à un centre d’analyse centralisé.

  1. Organiser l’IA pour exceller

Les entreprises axées sur l’IA répartissent les rôles clés entre un hub et les secteurs d’activité. Quelques tâches sont toujours détenues par le hub, et le secteur d’activité est toujours responsable de l’exécution. Le reste du travail reste une zone grise, et les caractéristiques individuelles d’une organisation déterminent où les responsabilités doivent résider.

  • La zone grise.

Une grande partie du travail dans les transformations réussies de l’IA tombe dans une zone grise en termes de responsabilité. Les tâches clés telles  :

  • définir l’orientation des projets d’IA,
  • analyser les problèmes qu’ils résoudront,
  • construire les algorithmes,
  • concevoir les outils,
  • tester avec les utilisateurs finaux,
  • gérer le changement et créer l’infrastructure de TI de soutien –

peuvent appartenir au hub ou être décentralisée aux lignes d’affaires ou même être partagées par les deux.

Décider où doit se situer la responsabilité au sein d’une organisation n’est pas une science exacte, mais elle doit être influencée par trois facteurs :

    a. La maturité des capacités d’IA.

Lorsqu’une entreprise est au début de son parcours d’IA, il est souvent logique que les responsables de l’analyse des données, les concepteurs d’interface utilisateur, les spécialistes de la visualisation qui interprètent graphiquement les résultats de l’analyse, etc., s’assoient dans un hub et/ou soient déployés au besoin dans les lignes d’affaires. En travaillant ensemble, ces acteurs peuvent établir les actifs et les capacités de base de l’organisation en matière d’IA, tels que les outils d’analyse communs, les processus de données et les méthodologies de livraison. Mais à mesure que le temps passe et que les processus se normalisent, ces experts peuvent résider dans les lignes d’affaires efficacement.

    b. Complexité du modèle opérationnel.

Plus le nombre de fonctions opérationnelles, de secteurs d’activité ou de géographies que les outils d’IA soutiendront sera grand, plus il sera nécessaire de créer des guildes d’experts en IA (par exemple, des scientifiques ou des concepteurs de données)). Les entreprises aux activités complexes consolident souvent ces guildes dans le hub, puis les attribuent selon les besoins aux unités opérationnelles, aux fonctions ou aux zones géographiques.

    c. Le rythme et le niveau d’innovation technique requis.

Lorsqu’elles ont besoin d’innover rapidement, certaines entreprises mettent davantage de stratégies et de capacités IA dans le hub, afin qu’elles puissent mieux suivre l’évolution de l’industrie et de la technologie et déployer rapidement des ressources en IA pour relever les défis de la concurrence.

Les organisations qui ont placé leurs équipes d’analyse au sein de son hub avaient un modèle d’affaires beaucoup plus complexe et une maturité relativement faible en matière d’IA. En concentrant ses scientifiques des données, ses ingénieurs et de nombreux autres experts de la zone grise au sein du hub, l’entreprise a veillé à ce que toutes les unités commerciales et les fonctions puissent accéder rapidement au savoir-faire essentiel en cas de besoin.

D’autres organisations avaient un modèle d’affaires beaucoup plus simple qui permettait de se spécialiser dans moins de services. Ces organisations avaient également une expérience et une expertise considérables en matière d’IA. Elles ont donc été en mesure de décentraliser leurs talents en matière d’IA, en intégrant un certain nombre de ses experts en analyse de données, en stratégie et en technologie au sein des unités opérationnelles.

Comme ces exemples le suggèrent, un peu d’art et de subjectivité est impliqué dans le choix de l’emplacement des responsabilités. Chaque organisation a des capacités et des pressions concurrentielles distinctes, et les trois facteurs clés doivent être pris en compte dans leur ensemble plutôt qu’individuellement. Par exemple, une organisation peut avoir une grande complexité opérationnelle et avoir besoin d’une innovation très rapide (ce qui suggère qu’elle devrait transférer plus de responsabilités vers le hub) mais aussi avoir des capacités d’IA très matures (ce qui suggère qu’elle devrait les déplacer vers les lignes d’affaires).

Les dirigeants devraient mesurer l’importance relative des trois facteurs pour déterminer où, dans l’ensemble, les talents seraient déployés le plus efficacement. Les niveaux de talent (un élément de la maturité de l’IA) ont souvent une influence démesurée sur la décision. L’organisation dispose-t-elle de suffisamment d’experts en données pour que, si elle les déplaçait définitivement vers les lignes d’affaires, elle pourrait toujours répondre aux besoins de toutes les unités opérationnelles, fonctions et zones géographiques ? Sinon, il serait probablement préférable de les héberger dans le hub et de les répartir dans toute l’organisation.

  1. Contrôle et exécution.

Alors que la répartition des responsabilités en matière d’IA et d’analyse varie d’une organisation à l’autre, celles qui augmente en capacité l’IA ont deux choses en commun :

       a. Une coalition de dirigeants d’entreprises, d’informaticiens et d’analystes de données.

L’intégration complète de l’IA est un long voyage. La création d’un groupe de travail conjoint pour superviser l’IA garantira que les trois fonctions collaborent et partagent la responsabilité, quelle que soit la répartition des rôles et des responsabilités. Ce groupe, qui est souvent convoqué par le CIO (DSI), peut également jouer un rôle déterminant dans la création d’un élan pour les initiatives d’IA, surtout au début.

        b. Équipes d’exécution basées sur les affectations.

Les organisations qui montent en puissance avec l’IA sont deux fois plus susceptibles de constituer des équipes interdisciplinaires au sein des lignes d’affaires. Ces équipes rassemblent une diversité de points de vue et sollicitent la contribution du personnel de première ligne lorsqu’elles créent, déploient et surveillent de nouvelles capacités d’IA. Les équipes sont généralement constituées au début de chaque initiative et tirent leurs compétences à la fois du hub et des lignes d’affaires (spokes). Chacune comprend généralement le gestionnaire responsable du succès du nouvel outil d’IA (le « propriétaire du produit »), les architectes de données, les ingénieurs et les scientifiques, les concepteurs, les spécialistes de la visualisation et les analystes d’affaires. Ces équipes traitent les problèmes de mise en œuvre tôt et extraient de la valeur plus rapidement.

Un 3e article de la série gouvernance AI sera publié la semaine prochaine sur le blogue d’eficio.ca, il discutera des aspects humains nécessaires à l’implantation de l’IA, et plus particulièrement sur les volets formation et gestion du changement.

Cet article est inspiré de la version originale en anglais paru dans le numéro de juillet-août 2019 (p. 62-73) de la Harvard Business Review.

 

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